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Philippe Daney & Jean Le Gac, exposition, Granville Gallery

 

Dans ses deux itinéraires s'établit un subtil rapport à la matière et à la lumière. L'œuvre figurative du peintre-poète Jean Le Gac s'exprime par une diffraction de la narration : toile, texte, photo. Un rythme en triptyque qui évoque des pratiques quotidiennes. Le travail plastique vient scander les cimaises de la galerie et ponctuer le travail du designer.

Philippe Daney se pose toujours en équilibre, à la frontière de l'art et du design. Ses préoccupations ont à voir avec la matière immatérielle de la lumière : ondes, plissements, fragmentations, algorithmes et expansions. Son intention est précise, technique mais le résultat est aussi ouvert qu'incontrôlable. Il a choisi le verre et l'organise en lames épaisses collées pour inventer un mobilier archétypal. Deux tables basses, un bureau, sept guéridons en verre coloré dans la masse, découpés un à un et polis, sont présentés dans la galerie. Les volumes épurés s'imposent dans l'espace, nimbés d'un rayonnement lumineux, presque intangibles. 

L'illusion optique joue encore avec la création de sept miroirs (2009-2010) dans lesquels il est bien difficile de se contempler. Les surfaces dont dessinées au doigt par Philippe Daney. Les reliefs ondoyants et aléatoires donnent le sentiment du sable à marée basse. Ces objets fragmentent l'image en une infinité d'éléments, de micro-visages qui se catapultent en surface. Leur réalisation est le fruit d'un travail de mise au point complexe. Le verre, encore une fois, est au centre du processus de création. Il vient épouser la forme d'un moule en plâtre, revêtu d'une argenture vernie. Beau sujet, le miroir est un support de création qui a également interrogé Martin Szekely, Christian Ghion et d'autres designers contemporains. La solution proposée par Philippe Daney fait de cet objet un support artistique qui tient parfaitement sa place sur les murs de la galerie, auprès des œuvres de Jean Le Gac.

Poésie du geste, générosité du partage, Philippe Daney invente une horloge singulière, un objet virtuel issu d'une performance. En juillet 2008, jour de la libération d'Ingrid Bettencourt, moment mémorable pour l'auteur, il filme pendant 24h l'horloge de la Gare de Lyon, à Paris. Toutes les minutes qui s'écoulent, soit mille quatre cent quarante minutes au total !, sont capturées par une photo. A la manière de l'artiste conceptuel Roman Opalka, sa performance est assortie d'un portrait photographique de lui en action, et d'une scène de rue saisie au même endroit. Le temps est comme la lumière, une matière qui échappe évidemment au projet, et Philippe Daney s'en saisit avec délice. 

La galerie a également produit une lampe boule, Mamra, éditée en 10 exemplaires et deux luminaires Vice-versa (2008), objets fonctionnels qui ne dérogent cependant pas à la poésie de l'auteur.

Philippe Daney aime ce qui est fugace, mobile, il ne se laisse pas enfermer dans la formule ou dans une tendance, il brouille les pistes livrant l'amateur au désarroi de l'interprétation.

 

- Anne Bony

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